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Sénégal- Les législatives de tous les risques

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Pour le renouvellement de la 14ème Législature, le Sénégal se dirige vers des élections législatives le 31 juillet 2022. Cependant, suite aux décisions du Conseil Constitutionnel d’annulations partielles de listes de candidats à la députation, à la fois du régime en place et de l’opposition, le pays retient son souffle et on se dirige vers une impasse.

Pour protester contre le rejet de la partie des candidats au scrutin proportionnel (National), par le Conseil constitutionnel, une partie de l’opposition sénégalaise, réunie autour de l’inter-coalition « YEWWI ASKAN WI »- « WALLU SENEGAL », a appelé à une manifestation pacifique simultanée, vendredi 17 juin 2022, respectivement à la Place de la Nation à Dakar et à Ziguinchor. Elle sera consécutive à la grande démonstration de force du mercredi 8 juin 2022 à Dakar (Photo). Ousmane Sonko et les ténors de l’opposition sont menacés d’être exclus du vote- l’accord du Conseil Constitutionnel (CC) porte sur une liste amputée qui ne comporte que des suppléants. Du jamais vu dans les annales de l’histoire politique du pays.

Si la Constitution du pays reconnaît et garantie le droit de manifester et de marcher, exigeant juste une déclaration auprès des autorités administratives, successivement, le CNRA (Conseil national de régulation de l’audiovisuel), le Gouverneur de la région, le Préfet de Dakar, tout comme le Commissaire du Plateau, ont brandi son interdiction… Cette opposition, qui se sent lésée, brandissant des manœuvres pour écarter ses ténors, refuse d’obtempérer.

Pour rappel, les candidats aux élections législatives au Sénégal sont inscrits sur des listes comprenant une partie (Nationale) élue à la proportionnel, et une autre partie, composée de Suppléants, élue au scrutin uninominal à un tour. Actuellement, la partie Nationale de la frange la plus importante de l’opposition est recalée, tandis que pour la coalition au pouvoir c’est celle des Suppléants qui a subi le même sort.

Cacophonie ou multipartisme

Pays d’à peine 17 millions d’habitants, le Sénégal, où le régime du multipartisme est en vigueur, compte plus de 300 partis politiques ! Afin de rendre gérables les joutes électorales, une loi sur le parrainage- assez contestée du reste- a été votée. Pour bénéficier du seuil de légitimité, les partis politiques légalement constitués, les coalitions de partis politique ainsi que les indépendants doivent recueillir la signature de 0,5% au minimum et de 0,8% au maximum des électeurs sur le fichier électoral général. Ce ratio est donc valable pour les législatives, prévue à la fin du mois de juillet. L‘esprit et la lettre de ce texte est d’avoir des élections à ergonomie humaine !

Actuellement, le pays en est au stade des dépôts et de la validation des candidatures. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la DGE (Direction générale des Elections), logée au sein du ministère de l’intérieur ne chôme pas. Dans un premier temps, des listes, qui avaient été refusées pour défaut d’atteinte de minima, tel celui de notre confrère indépendant Papa Djibril Fall, ou pour non-respect à la parité Homme-Femme… avaient été rectifiées et obtenues leur ticket de recevabilité.

Le diable est dans les détails

Dans un second stade, après plusieurs péripéties autour du ministère de l’Intérieur, en dépit du tirage au sort pour le dépôt qui empêcha cette fois-ci la bousculade- en cas de doublons de signatures, les premiers arrivés étant comptables- des recours et saisines avaient été déposés auprès du Conseil Constitutionnel (CC). Autant de la coalition au pouvoir « BENNO BOK YAKKAR » que de l’opposition, notamment de l’inter-coalition « YEWWI ASKAN WI »- « WALLU SENEGAL », ou de la grande coalition GUEM SA BOPP, ou encore du Mouvement citoyen JAMMI GOX YI… ont déposé des recours ou effectué des Saisines de cet organe, mais avec des fortunes diverses.

Aujourd’hui, les 7 « Sages », à la tête du Conseil constitutionnel ont du pain sur la planche et devraient revisiter Nietzsche (Le diable est dans les détails). Les magistrats Papa Oumar Sakho, président, Saïdou Nourou Tall, Mouhamadou Diawara, Abdoulaye Sylla, Aminata Ly Ndiaye, Mamadou Badio  Camara et Youssoupha Mbodj tiennent en haleine le peuple. Par leurs décisions, telles que la n°8-E-2022 sur Affaire n°3-E-2022 lors de la séance du 21 mai 2022, ils annulent la décision n°006062 du 17 mai 2022 du ministère chargé des Elections et permet à l’inter-coalition « YEWWI ASKAN WI »- « WALLU SENEGAL » d’apporter des rectifications. Leur liste Nationale sur Dakar a été ainsi recevable. Mais coup de théâtre, avec de nouvelles décisions du Conseil Constitutionnel, notamment la 16-E-2022 sur les affaires n°16-E-2022 et n°18-E-2022, introduites par Déthié Fall, mandataire de YEWWI ASKAN WI et Mamadou Lamine Thiam, Mandataire de WALLU SENEGAL, pour invalider la participation de BENNO BOK YAKAR au scrutin pour un nombre de parrains à 55 328 au lieu de 55 327, conformément à l’Alinéa 3 de l’Article L 149 du Code électoral. Le conseil constitutionnel va rejeter leurs recours, arguant que le surplus n’était plus effectif lors du dépôt.

D’autres décisions du CC s’en suivront. Ils ont fini par irriter les uns et les autres. La coalition au pouvoir qui avait programmé une manifestation mercredi dernier, l’a annulé « pour se conformer au respect de la période de pré-campagne », sachant que le texte de loi visé interdit uniquement la couverture et diffusion sur les médias grand public… Toutefois, l’opposition YAW-WALLU maintient son mot d’ordre et ne compte pas ouvrir une brèche où s’engouffrerait un président du Sénégal qui n’a jamais dissimulé ses intentions de rempiler à la tête du pays. Ce 3ème mandat, que la Constitution interdit, risquerait d’embraser le Sénégal.

La hantise de la reddition des comptes

Comme dans un grand nombre de pays en Afrique, la hantise de la reddition des comptes reste présente au Sénégal.  L’ex-Président des Etats Unis d’Amérique, Barack Obama soutenait à la tribune de l’Union africaine à Addis-Abeba, « L’Afrique a plus besoin d’institutions fortes que d’hommes forts. » Dieu sait que nous aurions pu revisiter notre histoire, recomposer les Etats-Nations et épouser la configuration d’une Administration apolitique, loin de la corruption et de la concussion, qui assure la continuité de l’Etat. Nous aurions fait l’économie d’un éternel recommencement, un énorme gâchis qui touche parfois le secteur privé- il n’est pas rare que la nouvelle équipe au pouvoir procède à des liquidations judiciaires de compagnies stratégiques, dans le but de faire table rase…  Pourtant, sans remonter à l’Egypte ancienne ou à la civilisation méroïtique, un peu d’histoire nous révèle que l’Afrique a bien souvent des leçons de Droits de l’homme, de démocratie… à partager au reste du monde. Plus récemment, au 13ème siècle, après avoir libéré le Mandé de l’emprise du cruel et très puissant Soumaora Kanté, à la bataille de Kirina en 1235, Soundjata Keïta convoqua en Assemblée tous les TJE KOUN « hommes de tête » du Manden ou Mandé ou encore Mali, dont des membres de sa caste, celle des Chasseurs, acquis à sa politique, afin de leur soumettre pour approbation et après enrichissement, la Charte du Manden Nouveau. Composée de 7 articles, il stipule dans le 1er « Toute vie humaine est une vie, Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre, mais une vie n’est pas plus ancienne, ni plus respectable qu’une autre vie. De même une vie n’est pas supérieure à une autre vie ». Le second, tout aussi avant-gardiste des Droits de l’homme, déclare « Tout vie étant une vie, Tout tort causé à une vie exige réparation. Par conséquent que nul ne s’en prend gratuitement à son voisin, que nul ne cause du tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable. »

A l’ère du DIGITAL, de la BLOCKCHAIN, du NFT et autres METAVERSE, il est grand temps que les élections soient moins onéreuses et beaucoup plus paisibles et transparentes. Le Sénégal, à l’image de pays de son rang, a besoin de tous ses fils qui s’exprimeraient en transformant les ressources abondantes dont la Nature l’a doté. Il n’est pas question de permettre aux ennemis de ce pays de rire sous cape !

Gageons que des médiations de pays amis s’attèleront à apaiser ce climat délétère !

Daouda MBaye

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